Étude du traumatisme après une réanimation médicale

Une approche éthnopsychiatrique du malade réanimé : réhabiliter l’esprit dans les pratiques de soin.

Mémoire de Master 1 de psychologie clinique, de Véronique DI MERCURIO pour l’Université Paris 8, avec félicitations du Jury et publication à la bibliothèque de l’université.

Résumé

La réanimation médicale est à la fois une spécialité de pratique médicale et la désignation d’un lieu de soins, qui s’adresse aux malades qui se trouvent en situation de défaillance de leurs fonctions vitales. D’apparition récente, dans la seconde moitié du 20e siècle, elle s’inscrit dans l’évolution économique et technologique des pays Occidentaux. Une étude de la psychologie des malades hospitalisés en réanimation médicale, au-delà des aspects cliniques, aborde aussi les aspects culturels et sociaux, ce que permet une approche ethno-psychiatrique.

Le contexte d’urgence vitale et le danger de mort imminente justifient de centrer l’étude sur les effets psychologiques induits par la situation plutôt que d’étudier le lien entre la personnalité et la maladie comme le font les approches classiques en psychologie de la santé.

Le modèle du traumatisme psychique est employé dans l’étude comme présupposé.

La problématique du vécu des malades de réanimation y est étudiée selon 3 aspects avec 3 hypothèses correspondantes :

  1. Concernant les pratiques de soins de réanimation, celles-ci sont-elles associées et impliquées dans des souffrances psychiques de type traumatique ?
  2. Concernant les théories d’interprétation, est-ce que les notions de « rite de passage » et de « conflits culturels » rendent mieux compte de la psychologie des malades de réanimation plutôt que les théories classiquement employées en psychologie clinique ?
  3. Concernant la méthode de soutien au niveau psychologique des malades, est-ce qu’une approche qui positionne le malade en situation d’expert lui procure un bénéfice psychique ?

L’étude s’appuie sur les observations et l’analyse des entretiens de 14 sujets. Tous ont été suivis lors de l’événement de défaillance vitale et 11 ont pu participer à des entretiens de recherche après leur prise en charge en réanimation médicale.

Les sujets : un groupe de recherche de 9 patients qui ont été réanimés au moyen des techniques invasives avec ventilation mécanique et intubation trachéale et un groupe contrôle de 5 patients qui ont été réanimés avec une technique non invasive dont un masque pour la part respiratoire.

Les résultats ont montré que les 3 hypothèses sont bien vérifiées.

  1. Parmi les malades réanimés par techniques invasives, 8 sujets sur 9 ont bien vécu un événement traumatique et ont montré des signes de stress aigu lors de cet événement, contre seulement 2 sujets sur 5 parmi des malades du groupe de contrôle. 
  2. La notion anthropologique de « rite de passage » explique le phénomène de transformation psychique mis en évidence dans les entretiens. Le conflit se situe entre un individu qui tente de défendre son intégrité psychique contre des techniques produisant du traumatisme psychique.
  3. La position de patient-expert favorise la restructuration psychique grâce à l’activation de la capacité narrative propre à toute identité.

L’interprétation des résultats d’un point de vue socioculturel a soulevé les réflexions suivantes :

  • L’état confusionnel peut s’expliquer d’un point de vue psychogène car les effractions corporelles sont intimement reliées aux effractions psychiques,
  • La réanimation génère une situation paradoxale qui s’appuie sur une conception dualiste et clivée des relations corps et esprit. L’élimination de l’esprit des pratiques produit une souffrance psychique.
  • La notion de rite de passage permet de décrire et comprendre le traumatisme psychique comme une transformation, avec une phase de déstructuration et une phase de restructuration.
  • Bien que ressemblant à un rite, la pratique de soin de réanimation ne s’inscrit pas dans une tradition culturelle mais dans une institution, avec laquelle les individus soignés peuvent entrer en conflit.
  • La forme d’entretien qui place le malade en position d’expert qui favorise le récit et la transmission de savoir permet d’activer une capacité d’auto guérison liée à la spécificité de l’identité narrative.

Des suggestions concernant les pratiques de soins ont été proposées :

  • La réflexion éthique commune sur la mort entre équipes de réanimation et équipes de soins palliatifs.
  • La formation des équipes soignantes à une relation d’aide dégagée de toute théorie psychologique inadaptée à la situation et centrée sur une vision du malade-expert.

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